3 Juin 2015

Un peu de vulgarisation : les manœuvres orbitales

Présentation détaillée du fonctionnement des manœuvres orbitales

Comment ça marche... les manoeuvres orbitales ?

La mission d’un satellite ou de tout véhicule spatial lui impose de décrire une trajectoire bien déterminée.

 Il faut donc qu’il puisse la rejoindre et s’y maintenir. Il doit également conserver une certaine orientation par rapport à la Terre et au Soleil. Cette attitude lui permet de recevoir suffisamment d’énergie solaire, d’effectuer des prises de vue dans les conditions voulues ou de communiquer avec la Terre.

Mais si la théorie lui impose une trajectoire perpétuelle et imperturbable, la réalité est tout autre. En effet, lorsqu'il est à poste sur l'orbite choisie, il ne s'y maintient pas indéfiniment sans intervention. Il est soumis à diverses perturbations qui le freinent ou l'accélèrent à chaque tour un peu plus.

Illustration : Bernard Nicolas, Conception : Jean-Pierre Penot (CNES)
Illustration : Bernard Nicolas, Conception : Jean-Pierre Penot (CNES)

En matière d’exploration spatiale, il ne suffit pas de concevoir et lancer.

Entre les lois de l’espace et ses travers, l’homme a également dû trouver des solutions pour contrôler à distance et remettre dans le droit chemin ses outils spatiaux.

Un permis de conduire bien particulier...

 Pourquoi manoeuvrer en orbite ?

 Divers phénomènes agissent sur le comportement d’un véhicule en orbite et ont pour effets d’user et de déformer sa trajectoire.

Ces perturbations sont de plusieurs natures :

  • la Terre n'est pas parfaitement sphérique, ni uniformément dense : aplatie aux pôles et renflée à l'équateur, elle présente des variations de son champ de gravité pouvant atteindre 1/1000 de l'attraction terrestre principale ;
  • le vide spatial n'est pas absolu : il règne à proximité de la Terre ce qu'on appelle une atmosphère résiduelle, de plus en plus dense à mesure qu'on se rapproche de la Terre. Jusqu'à 1 000 km d'altitude au moins, le satellite est freiné par des frottements dus aux molécules et atomes qu'il rencontre. Ainsi, à 800 km il peut rester ½ siècle en orbite, alors qu'à 300 km il retombera dans l'atmosphère au bout de quelques mois, et à 200 km au bout de quelques jours.
  • le satellite est soumis à l'attraction de la Lune et du Soleil ;
  • le Soleil émet des photons pouvant, dans une moindre mesure, perturber le mouvement du satellite.
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Source : site Education-Jeunesse

L’orbite naturelle d’un satellite n’est donc pas une ellipse parfaite ; elle doit régulièrement être corrigée par des manoeuvres.

Jargon

L’orbite képlérienne
Une orbite non perturbée est appelée orbite képlérienne, du nom de l’astronome allemand Johannes Kepler. Elle correspond à une trajectoire décrite par un corps autour d’un astre sous la seule action de leur attraction gravitationnelle mutuelle. Les lois de Kepler, au nombre de 3, décrivent le mouvement des planètes autour du Soleil.

D’autres manœuvres orbitales sont nécessaires. Le rendez-vous de 2 véhicules spatiaux en orbite est indispensable lors de missions habitées, de ravitaillement d’une station spatiale ou encore pour réparer un satellite défectueux. La rentrée dans l’atmosphère et le retour sur Terre de spationautes ou de matériel expérimental doivent également être maîtrisés.

La correction d'une trajectoire

Satellites, sondes et véhicules habités sont suivis en permanence afin de pouvoir déterminer leur trajectoire exacte. Lorsque les écarts deviennent trop importants par rapport à l’orbite nominale, ils reçoivent les ordres de correction nécessaires.


Vue générale de la station de réception de satellites d'Issus-Aussaguel, en Haute-Garonne. Crédits : CNES/E.GRIMAULT,2000

Au sol, des services spécialisés dialoguent par ondes radio avec le satellite au moyen de grandes antennes appelées stations de poursuite. Leur mission commence dès la séparation du satellite avec le lanceur – au cours de la mise à poste – et se poursuit tout au long de l’exploitation – durant le maintien à poste. Leur tâche essentielle consiste à localiser l’objet à partir de différentes mesures, prévoir sa trajectoire, déterminer les opérations nécessaires et lui communiquer les ordres de manœuvres.

Les instruments et antennes du satellite doivent avoir une orientation précise, obtenue par rotation de sa plate-forme. Son attitude étant impossible à évaluer depuis le sol, il est équipé de capteurs capables de mesurer sa position par rapport au Soleil, aux étoiles ou à un point de la Terre.

Beaucoup de corrections de trajectoires se font grâce aux moyens de propulsions, souvent chimiques, des satellites. Les manœuvres les plus importantes comme la circularisation d’orbite utilisent des moteurs puissants, comme les moteurs d'apogée ; les manœuvres plus faibles de mise à poste fine ou de maintien à poste utilisent des moteurs plus petits.

La consommation en ergols nécessaires à ces opérations est un facteur déterminant dans la durée de vie du satellite : lorsqu’il n’a plus d‘ergols, il devient incontrôlable et donc inutilisable.

De nouveaux moyens comme la propulsion ionique et la propulsion plasmique sont donc de plus en plus fréquents.

Quelques manoeuvres classiques

Dans le cas d'une orbite basse le lanceur injecte en général le satellite sur une orbite très proche de celle recherchée.
La mise à poste d'un satellite géostationnaire se fait en plusieurs étapes.

Rappelons que l'orbite géostationnaire est une orbite circulaire, située dans le plan de l'équateur, à près de 36 000 km d'altitude. Le satellite est injecté sur une orbite elliptique dite de transfert géostationnaire, qu'il décrit de manière spontanée ; l'apogée est proche de l'altitude définitive et le périgée à environ 200 km d'altitude. L'orbite est ensuite progressivement circularisée grâce à 3 ou 4 poussées du moteur d'apogée, mis à feu lors de passages du satellite à l'apogée.


Injecté sur une orbite de transfert elliptique, le satellite circularise lui-même sa trajectoire. Lors de plusieurs passages à l’apogée, le moteur d’apogée est mis à feu, permettant au satellite de se rapprocher toujours un peu plus de son orbite finale.
Principales étapes de la mise en orbite géostationnaire :
1. Injection sur l'orbite de transfert
2. Réorientation par le dernier étage du lanceur et séparation
5. Réorientation de l'axe de poussée du moteur d'apogée
6. Circularisation de l'orbite en 3 poussées à des apogées différents
9. Déploiement des panneaux solaires
12. Satellite en configuration maintien à poste

Cependant, le plan de l’orbite de transfert est différent du plan équatorial, son inclinaison ne pouvant être inférieure à la latitude de la base de lancement. Le satellite doit donc également changer de plan. A l’intersection de son plan orbital et du plan équatorial, il est orienté de telle sorte que l’impulsion se fasse dans la bonne direction. Le satellite doit ensuite être maintenu à poste, et des corrections sont apportées environ tous les 15 jours.

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La fenêtre de stationnement d'un satellite géostationnaire a l'aspect d'une boîte d'environ quelques dizaines de km de côté, correspondant à une marge en latitude et longitude à la surface de la Terre. Comme le satellite n'y reste pas naturellement, il doit être maintenu à poste. A l'intérieur de cette fenêtre, sa position est connue à quelques km près.

La trajectoire d’une sonde interplanétaire est quant à elle ajustée au début de la mission, corrigée à mis-parcours et plusieurs fois à l’approche du but.

Rendez-vous en orbite


Arrimage de la navette américaine Discovery au télescope spatial Hubble. Crédits : NASA

Le peu de maniabilité possible dans l’espace ne laisse qu’une seule stratégie possible pour faire se rencontrer 2 véhicules : organiser un rapprochement dans le même plan, par des impulsions correctement dosées et dirigées.

Le véhicule cible, qui peut être un satellite ou une station spatiale, est généralement déjà sur une orbite circulaire autour de la Terre. Afin que les deux véhicules puissent être dans le même plan, la base de lancement du second doit se trouver dans le plan de la cible au moment du décollage. Cette coordination dépend de la rotation de la Terre et n’a lieu que quelques minutes par jour.

Injecté sur une orbite circulaire plus basse, donc plus rapide, le poursuivant comble l’écart grâce à une série de manœuvres. Lorsque tous deux se trouvent sur la même orbite, une nouvelle série d’opérations les amènent au contact l’un de l’autre, à une vitesse relative très faible de l’ordre de 1 cm/s.

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Conception : Jean-Pierre Penot (CNES) et Bernard Nicolas, illustration : Bernard Nicolas

Cette technique, bien maîtrisée, permet de réparer ou de récupérer des satellites. Elle permet également l’emport régulier de fret et de nouveaux éléments destinés à assembler une station spatiale.

Le saviez-vous ?

Histoire de sauvetage
La première réparation d'un satellite en orbite autour de la Terre a été réalisée en 1984. Grâce au bras articulé de la navette américaine Challenger, les astronautes ont pu récupérer l'objet en panne depuis 1980 pour le placer dans la soute de l'orbiteur. Il a pu être remis en orbite 2 jours plus tard.

Le retour sur Terre

Comment ça se passe...

Etant donnée la vitesse à laquelle se déplace un satellite (jusqu’à 28 000 km/h), les frottements qu’il subit lors de la rentrée dans l’atmosphère sont tels qu’il s’embrase et se désintègre. Ce procédé est utilisé volontairement pour détruire des objets devenus inutiles.
Il est cependant possible – et même indispensable – au prix de certaines précautions, de faire revenir un véhicule spatial en bon état.

Le saviez-vous ?

Un cargo de l'espace
D’ici 2005, la station spatiale internationale devrait pouvoir être approvisionnée régulièrement par un cargo automatique européen appelé ATV (Automated Transfer Vehicle). Il desservira la station en nourriture, oxygène ou matériel scientifique. Au retour, remplis de déchets et d’objets inutiles, il se désintégrera dans l’atmosphère.

 L’opération est délicate ; sous l’action de la seule gravité le satellite resterait en orbite, il doit donc être freiné pour retomber.
Un ralentissement de seulement 1% suffit à le décrocher de son orbite et le faire plonger vers l’atmosphère. Il doit cependant suivre une trajectoire précise, son inclinaison ne devant être ni trop forte, ni trop faible, au risque de se désintégrer ou de rebondir hors de l’atmosphère.

Le véhicule doit également être équipé de protections thermiques, qui absorbent la chaleur dégagée durant la rentrée sans la laisser pénétrer.

A l’heure actuelle, deux procédés de désorbitation existent.

Dans le cas d’une capsule, le moteur du vaisseau est dirigé vers l’avant et mis à feu, de façon à freiner le mouvement. La capsule se détache du reste du vaisseau et traverse l’atmosphère. Elle est ensuite ralentie sous parachute avant de toucher le sol.
L’atterrissage se fait de manière automatique.

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Conception : Jean-Pierre Penot (CNES) et Bernard Nicolas, illustration : Bernard Nicolas

Dans le cas d’une navette spatiale, c’est le véhicule tout entier qui revient sur Terre. Après avoir effectué un tête-à-queue pour freiner son mouvement, elle reprend son attitude normale et pénètre dans l’atmosphère le nez dressé et le ventre en avant. Elle atterrit comme un avion après plusieurs virages. La fin du vol nécessite un pilotage manuel.

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Conception : Jean-Pierre Penot (CNES) et Bernard Nicolas, illustration : Bernard Nicolas


Voir aussi

Approfondir